Savez-vous que les mangroves en Guadeloupe sont des écosystèmes indispensables ? Elles servent de tampon entre le milieu marin et terrestre. Nous lui attribuons de nombreuses qualités : remparts aux houles et tempêtes tropicales, nurserie pour de nombreuses espèces et poumons verts de l’île. Cependant, le bon fonctionnement écologique de l’archipel est menacé par les activités humaines. Pourquoi devons-nous sauvegarder ces forêts humides ? Quelles sont les causes de leurs disparitions et quelles solutions sont mises en place par les autorités afin de les conserver ? Nous vous apportons les réponses dans cet article.

L’importance écologique des mangroves en Guadeloupe

Les mangroves sont des forêts formées par des palétuviers rouges, blancs, gris et noirs situés près des côtes tropicales. Ces arbres servent de refuge et de lieu de reproduction pour de nombreuses espèces qui ne pourraient survivre sans elles.

Les mangroves de l’île antillaise sont des nurseries à ciel ouvert

Favorisant le cycle de la vie, les mangroves sont de vraies pouponnières. De nombreuses espèces en voie d’extinction viennent se reproduire et cohabitent dans cet écosystème unique. Cet habitat naturel abrite une faune sauvage et marine diversifiée :

  • oiseaux (sternes, frégates, poules d’eau, parulines jaunes, parulines caféiettes…) ; 
  • mammifères (rats, mangoustes, ratons laveurs « racoon »…) ;
  • crustacés (crabes de palétuvier, petits crabes nageurs, crabes à barbe, crabes sémafot, bernacles…) ;
  • mollusques (escargots, huîtres, moules, limaces…) ;
  • poissons (raies, barracudas…) ;
  • amphibiens (hylodes de barlagne) ;
  • tortues (tortues de rivière).

Zones de nidification, les mangroves en Guadeloupe accueillent les couples de sternes qui reviennent chaque année pour se reproduire. Les femelles pondent directement au sol, à l’abri des braconniers, mais restent vulnérables… Les œufs et les poussins deviennent des proies faciles pour les mammifères.

Il en est autrement pour les crabes de palétuviers. Ils se reproduisent dans ce milieu naturel, mais les femelles pondent dans les eaux côtières du lagon.Une fois métamorphosées en petits crabes, les larves regagnent les mangroves

Autre bienfait pour la biodiversité : les racines échasses des palétuviers sous l’eau favorisent le développement de balanes, de moules et d’huîtres.

Mangrove des Petites Antilles zone de nidification pour la faune et la flore marines et terrestres

Mangrove des Petites Antilles – zone de nidification pour la faune et la flore marines et terrestres

Le plancton, source de nourriture dans les mangroves de l’île

L’eau saumâtre des mangroves est nourricière pour de nombreuses espèces aquatiques. Elle est peu profonde, calme et riche en nutriments. Le plancton s’y développe et alimente larves de poissons, crustacés et mollusques qui migreront à l’âge adulte vers les herbiers ou récifs à proximité. Mais en attendant de retrouver le littoral tropical, ces juvéniles se mettent à l’abri sous les palétuviers. Ils se protègent des prédateurs entre leurs racines échasses et aériennes immergées dans l’eau.

La survie des coraux repose sur les forêts humides de l’île papillon

Savez-vous que les coraux n’existeraient plus si les mangroves venaient à disparaître ? En effet, une pluie abondante lessive le sol et entraîne d’importantes quantités de particules en suspension vers l’eau de mer. Grâce à leurs systèmes racinaires en échasses, les palétuviers piègent la matière organique et minérale. En faisant barrage, ces arbres contribuent à la protection de l’écosystème des récifs coralliens. Ainsi, le littoral est protégé, l’eau des lagons reste claire, limpide et pauvre en nutriments.

Les mangroves de l’île aux belles eaux : vitales face au changement climatique

Poumons verts de l’archipel des Caraïbes, les palétuviers retiennent de grandes quantités de gaz carbonique, participant à l’atténuation du réchauffement climatique

En effet, leurs feuilles absorbent le CO2 et les racines immergées dans l’eau le stockent sous terre. Quand ces arbres meurent, ils ne se décomposent pas, mais s’enfouissent dans la boue sous la surface de l’eau. Le carbone est alors piégé sous les sédiments anoxiques (insuffisance d’apport en oxygène aux organes et tissus vivants) qui empêchent son émission dans l’atmosphère.

Racines aériennes immergées dans l'eau

Les racines aériennes des palétuviers sont bénéfiques à l’environnement

Les palétuviers, seuls arbres à vivre dans l’eau, sont indispensables à la sauvegarde de la biodiversité terrestre et aquatique. Ils contribuent également à :

  • filtrer l’eau des rivières et la purifier ;
  • piéger les polluants et métaux d’origine terrestre ;
  • absorber l’excédent de nutriments dû aux fortes pluies ;
  • favoriser la bonne santé des récifs et des herbiers marins.

Ne dit-on pas que la nature est bien faite ? Ces arbres atténuent l’érosion des côtes grâce à leurs racines échasses, bouclier naturel contre les vagues des tempêtes tropicales. Autre point fort : Ils réduisent les risques de catastrophes naturelles liés au changement climatique (montée des océans, tsunamis…).

Contre les inondations, les mangroves en Guadeloupe sont des digues naturelles bien plus efficaces que celles construites par l’homme (Source : Médhy Broussillon, délégué adjoint outre-mer du Conservatoire du littoral).

Rôle majeur des palétuviers dans l'écosystème et la biodiversité

Les palétuviers jouent un rôle majeur dans l’écosystème et la biodiversité des mangroves

Les palétuviers jouent un rôle majeur dans l’écosystème et la biodiversité des mangroves

L’activité humaine met en péril la survie des mangroves sur l’archipel

Mal-aimées, les mangroves ont gardé une mauvaise image pendant de très nombreuses années. La population guadeloupéenne les disait dangereuses, sales et inutiles. Ainsi, locaux industriels, complexes hôteliers et résidences de tourisme sont sortis de terre aux abords du littoral, réduisant la superficie de ces forêts humides

Les mangroves du département d’outre-mer affaiblies et polluées par les rivières

L’eau saumâtre des mangroves résulte du mélange d’eau salée de la mer et d’eau douce des rivières. Cet équilibre se montre bénéfique aux écosystèmes et à la biodiversité de ces milieux humides. Cependant, elles subissent la pollution de l’activité humaine et du comportement de la population.

Deux facteurs contribuent à la dégradation de la faune et la flore marines : 

  • Le détournement des cours d’eau. Barrages, extractions de l’eau, canalisations pour l’irrigation et l’aménagement des berges des rivières réduisent la qualité et la quantité de cette ressource naturelle. Ils ralentissent également l’arrivée de l’eau douce dans les écosystèmes des mangroves. Conséquence : en période sèche, les forêts humides se dégradent plus rapidement. Sur le long terme, moins de sédiments et de sel dans l’eau entraîneraient leurs disparitions. 
  • Les concentrations anormales de certains métaux lourds (plomb, cadmium, vanadium, cuivre, zinc, étain) dans l’eau, les sédiments et les organismes marins. De même, les décharges, contrôlées ou sauvages, et le lavage de voiture dans les rivières contaminent les mangroves en Guadeloupe

L’urbanisation à outrance détruit l’écosystème des mangroves en Guadeloupe

La surface des mangroves de l’île représente à peine 3,9 % sur l’ensemble des collectivités d’outre-mer, soit 3 000 hectares (source : Conservatoire du littoral). Une partie est préservée dans les parcs nationaux et d’autres disparaissent au profit de l’urbanisation, des infrastructures liées au transport ou au commerce.

L’INSEE, dans un rapport du 21 février 2021, mentionne que le Jarry est la troisième zone industrielle la plus grande de France. Poumon économique de l’île, son extension s’est réalisée aux dépens de la forêt marécageuse et de la mangrove.

Image satellite du Jarry - un parc industriel tentaculaire qui grignote peu à peu la zone humide

Image satellite du Jarry – un parc industriel tentaculaire qui grignote peu à peu la zone humide

Image satellite du Jarry –  un parc industriel tentaculaire qui grignote peu à peu la zone humide

Le constat d’Angélique Gourdol, chargée de mission au Conservatoire du littoral de Guadeloupe, est inquiétant. « En 67 ans, la forêt humide de Jarry est passée de 320 à 180 hectares, soit une perte de plus d’un tiers d’espace naturel ». Surfaces détruites et fonctions dégradées, ce poumon vert se fait grignoter au profit du développement économique qui n’est pas sans conséquence néfaste pour l’environnement :

  • remblaiement ;
  • occupations non autorisées ;
  • fragmentation écologique et hydrologique ;
  • pollution urbaine (dépôts de déchets, eaux usées) ;
  • pollution industrielle (hydrocarbures, métaux) ;
  • pollution agricole (pesticides).

Les solutions pour sauvegarder la biodiversité des mangroves sur l’île des Petites Antilles

Aujourd’hui, les mentalités ont évolué. Les habitants et les autorités prennent conscience de leurs rôles majeurs face aux dérèglements climatiques et à la fragilité de la biodiversité de l’île.

Depuis 2010, le Conservatoire du littoral assure la gestion des zones humides de Jarry. En 2016, l’établissement public de l’État crée le projet JA-RIV, contraction de deux mots : Jarry et rivage. L’objectif ? Réhabiliter ces forêts humides qui présentent un intérêt écologique, patrimonial et économique. 

La récupération des terrains en zone humide par les autorités

Le projet JA-RIV a pour ambition la récupération de treize hectares de terrains occupés illégalement par des entreprises installées au fil des années. Certains dirigeants se sont approprié des espaces fonciers par le remblayage de zones naturelles, voire la construction de bâtiments afin d’agrandir leur activité. « Nous avons déjà libéré quatre hectares et nous visons l’ensemble de ces espaces d’ici 2026 », précise Angélique Gourdol, ingénieure écologue, chargée de projet JA-RIV. Des industriels et des commerçants, conscients de l’enjeu, acceptent de rétrocéder les surfaces de leurs emplacements.

Dès la libération des terrains, l’étape suivante consiste à restaurer mangroves ou forêts marécageuses. Puis, dernière étape, aménager un sentier pédagogique de neuf kilomètres en périphérie de la zone humide et de la zone industrielle. L’objectif : sensibiliser et instruire (par des panneaux d’information) le public sur les enjeux de la conservation des forêts humides et de sa biodiversité

L’application ROM pour protéger les mangroves dans les DOM-TOM

Vous désirez participer à la protection des mangroves d’outre-mer ? Le Pôle-Relais Zones Humides Tropicales coordonne le ROM (le Réseau d’Observation et d’aide à la gestion des Mangroves) créé en 2013. Il sert à veiller sur l’état de santé des forêts humides.

Voici les différents objectifs du ROM :

  • observer les mangroves ;
  • détecter tout changement ; 
  • identifier les menaces et leurs sources ;
  • fournir des outils d’aide à la décision aux gestionnaires ;
  • créer un important réseau d’alerte et de vigilance collaboratif.

En 2019, l’application ROM pour les smartphones est lancée. Ce réseau social écologique se veut collaboratif et éducatif. Habitant·e des territoires d’outre-mer ou touriste, vous devenez acteur·trice de la préservation des mangroves. Vous observez et signalez instantanément avec votre téléphone tout dérèglement, modification de la faune et la flore marines et terrestres. Vous pouvez également envoyer des photos si vous découvrez tout dépotoir sauvage, défrichement, remblai, etc.

Que nous vivions aux Petites Antilles, en métropole ou ailleurs, nous avons la possibilité d’agir avec bienveillance envers la nature. Pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour prendre soin d’elle. Et si nous commencions par protéger la biodiversité dans nos jardins ?

Article rédigé par Carole Crockey

Sources : 

About the author : Jerome Duchemin

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